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Tendre-Sur-Estime

Michael Dean

Tendre-sur-Estime désigne une ville imaginée au XVIIème siècle par la romancière française Madeleine de Scudéry dans son roman Clélie, histoire romaine. Cette ville, avec Tendre-sur-Reconnaissance et Tendre-sur-In- clination, fait partie de Tendre, un pays imaginaire qui inspira la célèbre carte du Tendre et par là même les différentes étapes de la vie amoureuse. Quelle différence il y a entre marcher et trébucher ? Se promener et dériver ? Se perdre et se retrouver ?

Si on devait créer une carte de Paris la nuit, les yeux bandés, qui trouverait-on ? Pourquoi tout change quand on se balade main dans la main voire tout seul ? Quelle expérience de Paris conserve-t-on ainsi, quel souvenir nous reste-t-il ? Ce souvenir est-il plus frappant que l’on soit sobre ou non ? Et qu’advient-il si on visite cette même ville la jour- née, les yeux grands ouverts, avec une attente exagérée et des moyens très limités, une ville comme Paris dont l’immuable beauté pourrait finir par nous écœurer à tout jamais.

Et si un Anglais de passage, un artiste nommé Michael Dean, vous prend par la main avant de vous perdre, en vous proposant une nouvelle manière de percevoir une ville que vous pensiez si bien et si mal connaître ? Par le prisme de ses sculptures inclinées, intoxiquées par elles-mêmes, qui défient la gravité, on trébuche sur cette ville entre deux moments de clarté.

Entre deux monuments qui reconfirmeraient presque notre propre existence, alors même que l’on se sent pourtant si confus. Richard Pryor a dit : « que son plus grand pouvoir résidait dans un lampadaire », car c’était la seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher quand il tombait dans l’excès.

L’excès serait donc ce qui caractérise le mieux ce projet qui se déploie dans cinq lieux différents de la capitale à travers les œuvres de Michael Dean : Un jardin public et privé, une espace d’art indépendant, une librairie et une église. Une constellation de lieux institutionnels ou intimes, intérieurs ou extérieurs, qui tous disent quelque chose d’une œuvre et de sa pratique.

Un portrait de l’artiste en mots et en lieux, essayant de saisir l’essence même de ce travail qui oscille entre l’écriture et la sculpture, la typographie et la performance. La plupart de ces sculptures sont montrées à l’extérieur car elles sont conçues initialement dans le jardin qui jouxte l’atelier de l’artiste.

C’est la première manifestation de cette envergure en France de Michael Dean, après avoir exposé dans les plus grandes institutions internationales ces dix dernières années. Mais c’est avant tout un parcours sentimental à travers les rues de Paris, qui commence par une exposition à Goswell Road, un espace d’art indépendant et une maison d’édition fondée par l’ami de jeunesse de l’artiste An- thony Stephinson et son épouse Coralie Ruiz. Deux étudiants qui firent leur première exposition ensemble dans la boutique de fleurs du père d’Anthony.

Ce projet raconte des destinées parallèles- les deux hommes se sont perdus de vue pendant vingt ans- le magasin de fleurs de Newcastle devenu cet espace d’art à Paris dans le dixième arrondissement. Ils y évoquent en filigrane leurs origines communes, et les années au milieu qui leurs ont permis de développer leur pratique.

La pierre angulaire de cette collaboration étant « Smittens for Smoticons » le nouveau livre de Michael Dean publié pour l’occasion par Goswell Road. Un chemin qui se termine dans le jardin privé de la commissaire d’exposition dans le dix-neuvième arrondissement, où l’on peut contempler, sur rendez-vous uni- quement, où même de la rue, une sculpture accrochée fermement à un arbre, une demi-lune qui sourit de la taille d’un enfant de sept ans. Entre ces deux points géographiques, il y a une intervention dans la librairie Yvon Lambert dans le Marais, où l’ar- tiste présentera tous les livres qu’il a réalisé lui-même depuis ces débuts, dont certains introuvables, et une édition spécialement conçue pour ce projet.

Une lecture ardente de Michael Dean avec son fils de son dernier livre « Love Dancing on Hate’s Grave » aura lieu le samedi 22 octobre à l’Eglise Saint-Eustache organisée en partenariat avec le festival Move du Centre Pompidou. Et enfin et surtout des sculptures installées dans le jardin des Tuileries, inspirées des muselets des bouteilles de champagne, formeront le trait d’union formel entre toutes ses parties. Le fantasme ultime de cet exercice serait de créer une cartographie totalement nouvelle, d’un Tendre intime et romanesque, mené par l’artiste et ses fans. Let’s get lost !