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Decade of Emotion

Anthea Hamilton

Pour faire suite au projet inaugural de Pourquoi Paris ? en 2022 nommé Tendre-sur-Estime avec Michael Dean qui se déroulait de concert au jardin des Tuileries (dans le cadre du programme hors les murs de Paris+ par Art- basel avec la galerie Mendes Wood DM), à l’Eglise Saint Eustache (en partenariat avec le festival Move du Centre Pompidou), à la librairie Yvon Lambert, chez Goswell Road et enfin dans mon propre jardin, cette seconde édition de 2023 est dédiée à l’artiste Anthea Hamilton.

Tout comme la relation au long cours entretenue avec Michael Dean, je collabore avec Anthea Hamilton depuis presque dix ans. Hamilton a participé à trois expositions collectives que j’ai organisées : Mon Horizontalité, Kolé Seré et Myriad Reflector.

Je l’ai également interviewée à deux reprises pour les magazines Double et Marfa. Le travail d’Anthea Hamilton évoque le désir sous toutes ses formes à travers l’utilisation de banques d’images infinies (souvent datées des années 70) qui nous hantent, qu’il s’agisse de visages ou de corps sublimés, d’une attitude, d’un geste. Mais ces images qui sont toujours à l’origine de ses œuvres, ses formes récurrentes qu’elle a transformées en sculptures / icônes, des jambes à la citrouille sous toutes ses formes, ne se figent jamais, sont tou- jours en mouvement, comme un alphabet jamais achevé, car contrecarrées par d’autres influences dont le champ est si vaste que ces œuvres dépassent systématiquement le cadre qui leur est assigné. Que ce soit dans la mode, l’art, la nourriture, la nature, le design, l’architecture, la musique et la culture pop, rien n’échappe à la force centri- fuge de l’artiste, à son sens inné de la composition et de la confusion. Pour ce faire elle évolue avec aisance d’une matière à l’autre, d’un savoir-faire ancestral à l’impression numérique dernier cris, du cuir au bois, du marbre au verre, du précieux à la bricole.

Ce qui fascine dans le travail d’Anthea Hamilton c’est que même si elle ne cesse d’évoquer des temps passés, des cultures plus ou moins lointaines, une vie qui n’est pas la sienne, elle continue exposition après exposition, œuvre après œuvre, à incarner plus que quiconque le présent, le ici et pas l’ailleurs, aujourd’hui et maintenant.

L’artiste britannique Anthea Hamilton, reconnue pour ses installations, sculptures et performances, présente en avant-première Decade of Emotion, la création d’un groupe de musique fictionnel, inspiré du mouvement de rock progressif des années 60 et 70. Tout débute par une image, comme souvent chez cette artiste : la vue d’une cour où sont exposées des œuvres du Musée Ethnologique d’Osaka réalisée par l’architecte japonais Kisho Kurosawa en 1978. La pesanteur de ces figures en pierre lui évoque à la fois l’art minimal, l’ambiguïté, l’ornementation, la gravité, la symbiose comme géographie, la culture, des matériaux et des formes en dialogue constant. Anthea Hamilton : « Cette image m’a donné envie de l’utiliser comme modèle d’un groupe de prog rock telle une exploration sonique et visuelle, et surtout elle m’a permis de travailler pour la première fois à grande échelle avec le son. » 

 

S’inspirant de ce genre musical à la fois ancien et hyper moderne, ces musiciens et performers fantasques, oscillent entre formalisme et éclectisme, poésie et technicalité. La musique, la scénographie et les costumes suivent les formes de ce genre, offrant ainsi un terrain narratif relatant des histoires personnelles, des fantasmes et des confessions appliquées à de multiples influences et à un sens aigu du détail. Cette œuvre interroge à chaque instant les limites entre une certaine réalité intergénérationnelle et les différentes formations du goût. 
 
Decade of Emotion s’apparente à la formation d’un groupe, voire à la trajectoire de corps célestes résumée en une journée, en un concert, en un album et en un seul morceau. Avec toute l’intensité que cela requiert, bien que ses membres se connaissent déjà de projets antérieurs, et que cette performance assure une continuité dans le travail d’Anthea Hamilton. Ils apprennent ainsi à développer ensemble un éventail de gestes, d’actions et de styles qui leurs sont propres, avec pourtant la volonté de se fondre littéralement dans le décor de l’auditorium. L’artiste souhaite plus que tout offrir aux performers les outils nécessaires pour découvrir leur propre plaisir dans ce contexte si particulier. Nous pourrons voir Hamilton chanter mais pas toujours l’entendre. Nous pourrons regarder les performers jouer mais pas toujours les comprendre. Nous a-t-il fallu une décennie pour assimiler toutes les émotions qui nous ont traversées telles des jets de pierres ? 

Biographie

Anthea Hamilton, née à Londres en 1978, est une artiste plasticienne qui crée des installations, sculptures, films et performances.

Elle a terminé ses études au département de peinture de l’Université de Leeds et du Royal Colle- ge of Art London, en 2000 et 2005 respectivement. En 2016, Hamilton est nominée aux côtés de trois autres artistes pour le Prix Turner, et fait alors partie de l’exposition à la Tate Britain. Anthea Hamilton vit et travaille à Londres ; elle est actuellement professeure invitée à l’école d’art libre et indépendante Open School East, à Margate.

Elle a exposé dans les plus grandes institutions internationales : au Sculpture Center à NYC en 2015, à Secession à Vienne en 2018 ainsi qu’à la Tate Britain cette même année, à la Biennale de Venise en 2019 et plus récemment elle a fait l’objet de sa première rétrospective au MHKA à Anvers en 2022.

Anthea Hamilton réalise à la fois des objets, des installations et des performances qui sont extraits de matériaux existants découverts lors de ses longues périodes de recherches ou par le pur fruit du hasard. Ce matériel visuel est redirigé puis amalgamé intuitivement par l’artiste en collages et compositions visuelles qui ravissent l’œil par leurs combinaisons étranges, et inventent de nouvelles pistes de lectures et de nouveaux contextes par rapport aux sources originales.

Un sens de la dramaturgie est distillé dans son travail, incluant par exemple des performances avec un seul individu ou un groupe de personnes ou des danseurs professionnels qui sont dispersés dans l’exposition, et interagissent avec le public ou les objets qui sont présents.

Fréquemment, Hamilton emploie comme stratégie le fait « d’aplatir » les objets afin de mettre en avant un certain point de vue, comme il est coutume dans les scénographies théâtrales.